Philo du bout de la nuit

Il y avait cette fille. Pas spécialement belle. Mais surtout conne comme un balai. D'ailleurs, je suspecte que je la trouvais d'autant plus moche que je savais qu'elle était fondamentalement stupide.
Je ne sais pas si je suis sapiosexuel, néanmoins je sais que les connes me rebutent comme la peste. Pire que la peste.

Mais bon. Soirée chez un pote de pote. C'était la seule personne que je connaissais qui, à cette heure de la soirée, restait encore relativement éloignée du coma éthylique. Et donc la seule personne qui restait disponible pour discuter.

Comment on s'était mis à parler de ça ? Est-ce qu'on s'en foutrait pas un peu, au final, du pourquoi du comment ? Le fait est que nous parlions de ça.
- Naaaaaan, mais tu peux pas dire çainh ! C'est pas vraiiieinh.

Une parisienne pure souche. Les meilleures, mes chouchoutes. Je vous épargne les "inh" dignes du clip Auteuil-Neuilly-Passy des Inconnus qui ponctuaient chacune de ses putains de phrases pour la suite de cette retranscription.

- C'est pourtant tout à fait vrai. Même avec la meilleure volonté du monde, je n'aurais jamais pu devenir volleyeur professionnel. A force de travail et d'acharnement, peut-être que je serais devenu bon. Mais jamais assez pour intégrer une quelconque équipe pro.

- Oui, ok, t'es pas assez grand pour faire volleyeur pro. Mais en contrepartie t'es intelligent !

Intelligent. Faut le dire vite. Disons que je sais utiliser les conjonctions de coordination et je pratique le sarcasme.

Je ne lui fis pas part de cette pensée. De toute manière, elle était déjà repartie.

- Tu vois, si tu n'es pas bon dans un domaine, t'es forcément bon ailleurs ! Et c'est ce que j'essaie de te dire ! On est tous aussi bons les uns que les autres ! Mais chacun à sa manière.

Putain mais tu vis dans le monde des bisounours ou ça se passe comment ? Tu crois que la vie c'est un putain de RPG dans lequel on nous a tous refilé le même montant de points de compétences à répartir sur nos stats ?

- La Nature se contrefout qu'on soit tous égaux.

- Naaaaaan, mais tu peux pas dire çainh ! C'est pas vraiiieinh.

La discussion avait à peine commencée qu'elle commençait sévèrement à tourner en rond.
Mais je me posais une question. Pourquoi elle s'était mise à penser comme ça, en premier lieu ? Pourquoi ça l'arrangeait de voir la Vie sous cette angle ?

- Pourquoi tu me regardes comme ça ? 

Je ne m'en étais pas rendu compte mais très probablement que je la fixais du regard d'une manière pas spécialement naturelle. Ça m'arrive. 

Trois heures du matin, deux bières de trop, et une conversation de merde. Voilà pourquoi je te regarde chelou.

- Je suis censée deviner ce que veut dire ce regard ?

J'eus le déclic. 

Je sais pourquoi ! Parce que t'es stupide et tu le sais ! Ça t'arrangerait bien de savoir que ta bêtise est compensée d'une manière ou d'une autre par un autre trait de ta personne ! 

- Tu veux qu'on aille faire un tour dans la chambre à coucher ? Elle doit être libre en ce moment... 

Ok. Je ne sais pas quelle tête j'ai fait mais fallait vraiment être conne pour penser que l'idée de coucher avec toi m'avait un jour traversé l'esprit. 

- Non, merci. Je vais rentrer chez moi. 

Et je partis de cette soirée de merde.

En corollaire, par honnêteté intellectuelle, j'aurais du me demander pourquoi je pensais la Vie comme intrinsèquement injuste.

Cependant, ça reste plus facile de critiquer autrui que de faire de l'introspection.

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