" Et après ?

- Comment ça, et après ?
- Et bien, que s'est-il passé ensuite ?
- Ecoute mon garçon ! Je t'ai dit que je te raconterai l'histoire de Kae. Bon. Je viens de le faire. Oui ou non ?!
- Oui, mais...
- Y a pas de mais qui tienne ! Non mais je vous jure, les jeunes de nos jours... Plus aucun respect, aucune contenance !
- Mais enfin, vous êtes bien d'accord avec moi si je vous dis que votre histoire n'est pas complète ! Une histoire ne peut pas se finir ainsi !
- Ce n'est pas simplement une histoire que je viens de te raconter là, jeune homme ! C'est l'Histoire ! Avec une grand H ! Et l'Histoire ne connaît jamais de début, de milieu, ou de fin ! Je viens de te raconter une partie de cette Histoire que peu de personnes connaît encore. Une des épopées les plus mythiques de notre Monde !  Et, toi, tout ce ce que tu trouves à me dire c'est qu'elle n'est pas finie ?! Non mais je vous le donne en mille ! Quel toupet !
- Ok ! Ok ! Pardon, je ne voulais pas vous vexer !
- Hummf !
- Monsieur ?
- Quoi encore ?
- Puis-je vous poser tout de même une ou deux questions ?
- Vas-y, dis toujours.
- Et bien... La Porte...
- Quoi la Porte ?
- Qu'est-ce que c'était réellement ? Qu'est-ce qui avait derrière ? Qu'est-ce que Kae, ou même Vjutta s'attendaient à réaliser en l'ouvrant ?
- Sérieusement ?! De tout ce que je t'ai raconté, c'est sur ça que tu veux poser des questions ?! Tu me fatigues ! Vous, les jeunes, vous me fatiguez tous avec vos questions puériles et insolentes ! Hummf ! Tiens, aide moi à me relever au lieu de déblatérer de telles bêtises !

Iqq se releva du tronc d'arbre contre lequel il s'était adossé et entrepris de tirer sur les bras du vieillard afin de l'aider à se remettre debout. Une fois ceci fait, il ramassa son cahier et ses stylos qu'il avait laissé traîné au sol. Il avait noté tout ce que lui avait raconté le vieillard. Il n'avait plus qu'à mettre ses notes en forme et son nouveau roman était écrit ! Il ne lui restait qu'à imaginer une fin. Il épia du coin de l'œil cet homme voûté qui époussetait vainement ses vêtements de toute manière poisseux. 

L'ensemble des lieux qu'il avait pu citer pendant son récit existaient réellement.
Yorn était un petit pays situé dans les enclaves du Nord. Quant à savoir si leur religion là-bas est réellement basée sur la vénération de bêtes mythiques, c'était une autre paire de manche. Cela n'était cependant pas totalement improbable.
La chute de l'empire d'Astraga remontait à des millénaires de cela mais les écrits et les vestiges retrouvés attestaient effectivement de l'existence passée de cet Empire qui s'étendait depuis les mers du Milieu jusqu'au massifs des Kreausses.
Cryfandir existait encore mais Iqq avait toujours prononcé le nom de ce pays "Siffindi", en accord avec son orthographe... Et oui, le Bagon était une espèce majestueuse endémique de la péninsule Siffindienne. Iqq avait toujours rêvé de pouvoir en voir un en vrai, un jour.

Bref. Tout ce qu'Iqq avait entendu n'était pas totalement ahurissant. Mais les Nobles-Déchus ? Les Bêtes divines ? La Porte ? Qu'est-ce que c'était que ce charabia ?
Ce qui troublait Iqq était le fait que le vieillard semblait réellement persuadé de détenir la vérité. Que tout ce qu'il lui avait raconté s'était réellement passé. Ou alors il mentait avec brio, ou alors il était atteint de cette maladie du cerveau qui nous fait croire à nos propres mensonges.

Iqq haussa les épaules et rangea son matériel dans sa sacoche. Qu'importe, au final ! Il ne recroiserait probablement plus jamais cet homme de sa vie et il lui avait donné une belle histoire à raconter. Il l'avait guéri de son syndrome de la page blanche ! 

Le vieillard avait lentement commencé à s'éloigner en rouspétant mais sans lui dire au revoir. Iqq le regarda s'éloigner en passant sa sacoche en bandoulière. Il ne songea nullement à le rattraper pour lui faire ses adieux. A quoi bon ? Qui plus est, son chemin le menait dans la direction opposée à celle que le vieil homme avait pris.

Mais... Attendez une minute. L'homme ne boitait plus. Ou était passé sa canne sur laquelle il s'appuyait si lourdement lorsqu'il s'était approché de cet arbre ? Iqq regarda autour de lui et vit que le bout de bois en question était toujours adossé contre le tronc de l'arbre. Mais... quelle était cette sorcellerie ? Ce pourrait-il que... ? Il devait en avoir le cœur net. Il l'interpella :

- Mandrag ?

Le vieillard s'arrêta et se retourna à demi. Une lueur d'intelligence qui n'avait rien d'humaine scintilla au fond de ses yeux. Il sourit.

- Une supposition faite à brûle-pourpoint qui aurait pu tomber juste...

Il se retourna alors et partit.
Iqq ne tenta pas de le suivre. Il partit de son côté, en longeant la côte.

Au-dessus des vagues, un Fou de Bassan volait en Solitaire.

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