Perdre la guerre - 2/4

 Nous n'avions pas encore engagé l'ennemi que nous sûmes avec certitude que nous mourrions en vain.

Et si je n'étais pas mort lors de cette charge, à la différence du reste de ma compagnie, c'est tout simplement parce qu'ils m'ont épargné. J'étais tombé et, bloqué sous mon cheval, je n'étais plus une menace. Ils passèrent près de moi et décidèrent de ne pas m'achever.
Et le Triggad Saraï continua de chanter. Une torture indescriptible. J'aurais mille fois préféré périr que continuer d'entendre son chant. Il passa près de moi. A cette distance, sa voix semblait pénétrer directement mes entrailles. Je me savais mortel, je me sentais mortel, et je possédais l'intime conviction que la mort était la meilleure des choses qui pût m'arriver. J'étais affolé. Si mon corps n'avait pas été coincé sous mon hongre, je pense que je me serais moi-même passé au fil de l'épée. J'étais dans un état de panique comme je n'en ai jamais connu durant ma longue carrière militaire. J'haletais, incapable de reprendre mon souffle ou de parler. Les yeux hagard, je tentais de croiser le regard des guerriers claniques. Qu'ils abrégeassent mes souffrances, merde !
La seule personne qui croisa mon regard fut le Triggad Saraï. Et, sans s'arrêter de chanter, il me sourit. Je m'évanouis.
Nos médecins m'ont récupéré sur le champ de bataille à la fin de la journée incapable de bouger le moindre muscle. Ils me transportèrent en brancard jusqu'au camp. Il s'avéra que je n'avais rien de cassé. Quelques bleus tout au plus. Le médecin en chef m'a qualifié de "miraculé". Je parvins à retrouver l'usage de mes membres au petit matin. Mais... L'idée de me battre contre quiconque me donnait la nausée. Je ne souhaitais plus me battre. Plus Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais. Jamais.

- Hé ! Klarval ! Vous êtes avec nous ?

Je clignai des yeux. Le maréchal claquait des doigts devant mon visage.

- Mon maréchal ?

- Je vous demandais si... Non, laissez tomber.

Et il s'éloigna de moi, un air de dégoût sur le visage. Il s'était probablement rendu compte que je venais de m'uriner dessus. L'odeur âcre de ma propre urine me permis de me reconcentrer sur les débats en cours. Mes deux voisins s'éloignèrent légèrement de moi mais n'émirent aucun commentaire. Cependant, je savais que cette histoire aurait fait le tour du camp avant ce soir. Tant pis. Je me reconcentrai sur ce que disait le capitaine Jih.

-... préfèrent se sacrifier par douzaines plutôt que de nous laisser approcher des Toges Blanches. Par exemple, lors de la charge menée par le général Klarval, les guerriers claniques que ma compagnie affrontait nous ont tout bonnement tourné le dos pour aller assister la garde rapprochée de la Toge Blanche que nos cavaliers menaçaient. C'était stupide à plusieurs points de vue parce que....

Stupide ? Je ne sais pas. En tant que général, je pense que je serais prêt à sacrifier quatre ou cinq compagnies d'infanterie pour sauver un seul Triggad Saraï. Notre état-major peinait à comprendre leur potentiel destructeur.
J'étais sorti vivant d'un face à face avec une Toge Blanche. Mais je n'en étais pas ressorti indemne. Je devais leur faire comprendre ce que nous risquions à les affronter. Je devais...
On fut interrompu par un écuyer hors d'haleine qui entra dans la tente en trombe.

- Mon maréchal ! Une délégation de trois Toges Blanches ! Elles se sont présentées à l'entrée du camp, elles demandent à vous parler !

- Voilà qui est inattendu ! Sais-tu pourquoi ?

- J'ai pas tout compris, mon maréchal. Mais il était question de nous aider à lever le camp. Elles m'ont l'air vachement stressées, mon maréchal. 

- Lever le camp ? Qu'est-ce que c'est que ces histoires ? Bon ! Demande leur de nommer un porte-parole et amène-le ici. On va voir de quoi il en retourne. Capitaine ! Rassemblez votre garnison et suivez mon écuyer. Je vous charge de surveiller les deux autres Toges Blanches. Elles ne doivent en aucun cas franchir les limites du camp, compris ?

- Oui, mon maréchal !

Le capitaine sortit à la suite de l'écuyer. La décision prise par le maréchal faisait sens. Et il était parvenu à cette conclusion rapidement. Je comprenais ce que son oncle l'Empereur voyait en lui. Il était intelligent et capable. Mais il n'était pas fait pour diriger. Même si cela aurait été uniquement pour la forme, il aurait dû demander l'avis du général Urhlich et le mien avant de donner ses ordres. Enfin. Il aurait été malvenu de lui en faire la remarque.
Nous nous mîmes donc à attendre l'arrivée du Triggad Saraï. Je me mordillai la moustache nerveusement. J'avais vu de quoi sa race était capable sur un champ de bataille. Me retrouver sous le même toit qu'une de ces engeances démoniaques ne m'enchantait guère...
Encore un peu et on pourrait se figurer que j'avais peur de le rencontrer. Je tentai de me ressaisir. Je suis le général Klarval, le héros de la guerre de... 

La Toge Blanche était rentrée. C'était le... Ce sourire... C'était celui que... 

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