J'arrivais à bord d'un de nos chariots de convoi sur la grande place, vingt minutes avant le cinquième coup de cloche, accompagné de Kae ainsi que de Maliona.
Quand j'avais pensé prendre à qui amener avec moi, j'avais directement pensé à Maliona. C'était ma nièce, elle connaissait l'art de la chasse aussi bien que moi. Et elle prenait un certain plaisir sadique à élaborer des pièges élaborés qui, je pense, ne me seront pas de trop lorsqu'il s'agira de coincer un loup Firanais. Pire que des anguilles ceux-là.
Notre client nous y attendait déjà. Ascobo m'avait donné son nom puisque cet emmanché avait oublié de se présenter lorsqu'il nous avait exposé sa requête la veille. Lyoj donc. Il monta dans notre chariot et nous partîmes sans plus de cérémonie. Lorsque nous entendîmes sonner le cinquième coup, nous avions déjà atteint les faubourgs de Lorais.
Le voyage se déroulait agréablement. Nous allions cheminer le long des prés et autres étendues agricoles pendant une majeure partie de la journée avant de pénétrer dans la forêt de Gliro en fin d'après-midi et enfin arriver Mornay un peu avant la tombée de la nuit. Je laissais les rênes sur le coup de ma brave jument qui se contentait de suivre le chemin à une allure plus qu'acceptable. Il ne servait à rien que je la presse. Il allait faire beau toute la journée. Et effectivement, dès que les brumes matinales s'évaporèrent, le temps se mit au beau fixe et un grand soleil monta dans un magnifique ciel bleu.
- Il est beau, hein ? C'est vrai que ses yeux blancs ça fait un peu bizarre au début mais on s'y fait. Et puis ses scarifications, c'est plutôt joli au final. C'est comme les tatouages des malfrats chez nous en vrai. Et puis, mes Dieux, au lit ! Il est extraordinaire ! Je te raconte pas, il est bien meilleur que n'importe quel mec avec qui j'ai pu coucher dans ma vie, il...
Je levais les yeux au ciel. Parmi toutes les personnes intéressées par la compagnie des hommes qu'il pouvait y avoir dans mon escouade, seule Maliona l'avait trouvé séduisant. Et je pense que le yornien avait trouvé Maliona à son goût car pas plus tard qu'une semaine après notre rencontre, il rejoignait sa couche. Et ces deux là passaient encore pas mal de nuits ensemble, encore maintenant. Je n'avait rien à y redire, mais il devait être vraiment doué pour qu'elle remette ce sujet sur le tapis à chaque fois qu'il était possible.
-... C'est en partie pour ça qu'il a le droit de porter des Scrynen. Il t'a déjà raconté ce par quoi il est passé pour avoir l'autorisation de les manier ?
-... Et bien tu regarderas, les lames de ses deux Scrynen ne sont pas de la même couleur. Elles ne sont pas faites dans le même matériau. Et quel que soit la chose que tu veuilles trancher, au moins une de ces deux lames pourra le trancher aussi facilement que si t'amusais à couper une motte de beurre tiède avec ton fauchon. Tu n'as pas besoin de force physique pour les manier. Il m'a fait tester sur un rocher, c'est impressionnant !...
Ceci explique cela. J'avais toujours trouvé le diamètre des fourreaux de ses Scrynen beaucoup trop large par rapport à la taille de ces armes. Mais c'est justement pour éviter que la lame ne touche le fourreau, pour ne pas l'abîmer.
Notre yornien était un intello ? Je m'en doutais à vrai dire. Ce petit air de suffisance avec lequel il aimait s'afficher était l'apanage des érudits.
-... Et un de ses exploits... C'est d'avoir parfait ses connaissances dans les arts de la chambre. Et ce, quelque soit les goûts et les désirs du ou des partenaires avec qui il est.
Elle lui lançait des regards emplis de malices et de je-ne-sais-trop-quoi dont je ne voulais pas vraiment savoir la teneur.
-... Pour en revenir au Scrynen, ce sont des horreurs à manier, même Kae le reconnaît. Mais c'est justement fait exprès. Il a beau être doué dans beaucoup de domaines, il restera à jamais ridicule en maniant les Scrynen.
Ce qui acheva de me convaincre que les Yornien ont un sens de l'humour que je ne comprendrais jamais. Je secouais la tête et parla dans ma barbe.
- Ils sont un peu tarés ces Yorniens quand même. Refiler des cure-dents à un mec parce qu'il sait se servir de sa queue...
Sur ces paroles, le yornien, sans bouger de sa position, les yeux fermés, prit la parole. Dans le même patois que celui que nous utilisions, avec un fort accent mais une grammaire parfaite.
- Ce que tu oublies de dire à Rivani, c'est qu'un des Grkg que j'ai atteint, c'est celui de la maîtrise des langues. Mes "cure-dents", ma queue et moi n'acceptons pas ce genre de discours, Sieur Rivani.
Je grommelais de vagues excuses et Maliona rit de toute ses dents. Lyoj, complètement paumé par la tournure qu'avait pris la conversation, continuait à regarder droit devant lui.
La journée se passa agréablement et nous arrivâmes en vue de Mornay une petite heure avant le coucher du soleil. Le sol étant plat, ses maisons ne nous apparurent dans leur entièreté que lorsque nous nous approchâmes relativement près de l'entrée du village. La route par laquelle nous arrivions était large et traversait Mornay en ligne droite de part en part. A environ 800 mètres de notre arrivée, Maliona m'ordonna de stopper le chariot. Je m'arrêtais sans discuter. Lyoj s'indigna.
Le yornien et moi descendîmes du chariot. Maliona prit un arc dans le convoi, le banda, prit un carquois rempli, et nous suivi. Lyoj resta et haussa le ton.
Kae laissa échapper un petit rire.
"Toujours motivé pour aller chasser le loup mon cher Rivani ?
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