Quoi qu'il en coûte - Partie 2/3

 Je m'affalai dans la poussière du sentier. Hors d'haleine. J'avais gagné. La victoire fut laborieuse à conquérir mais elle m'appartenait. Par la pensée, je l'offris à Gracille. Elle flottait toujours à côté du Damné, inconsciente. Minda avait terrassé son Ombre depuis un bon moment. Lyn ferraillait encore. Nous étions réduit à le regarder perdre son combat. Certaines personnes sont incapables de vaincre leurs fantômes.

Même couché dans la poussière, il m'était clair que le combat tournait à l'avantage de l'Ombre. Soudain Lyn trébucha, tomba en arrière et atterrit sur le dos, dans la poussière du sentier. Son Ombre ne se fit pas prier et vint se placer au-dessus de lui. Elle souleva son fauchon très haut. Puis l'abattit à une vitesse vertigineuse vers le crâne de Lyn.

Une flèche fusa.

Elle frappa le fauchon, déviant la lame de sa trajectoire fatidique. L'acier, ou l'ombre d'acier devrais-je dire, s'enfonça profondément dans l'épaule de Lyn. Il hurla d'une douleur non feinte. Je ne pus m'empêcher de penser que c'était toujours mieux que son crâne.

Une seconde flèche fusa.

Elle vint se planter dans la gorge de l'Ombre, qui disparu.
Le Damné se mit à taper du pied et commença à geindre. On aurait dit un enfant de cinq ans à qui on aurait confisqué son jouet. 

"Non, non ! Non et re-non ! Noooooon ! L'Enchaînée! Pourquoi as-tu fais ça ! Je m'amusais tellement !"

L'Enchaînée ? Ne me dites pas qu... Elle se tenait debout, à moins d'un mètre de moi. Je ne l'avais ni vu ni entendu arriver. Ce qui ne me surprit qu'à moitié. L'Enchaînée était à la hauteur de sa légende. Mon regard se porta instinctivement vers son arme : un arc que l'on aurait dit fait de lumière condensée. Le Lugdanash. Je crois que mon esprit commençait à accepter de voir devenir réalité les contes de mon enfance. Elle prit la parole. Sa voix était grave mais surtout inflexible. Il en émanait une aura d'autorité qui, soit dit en passant, manquait singulièrement à la voix nasillarde du Damné.

"Notre maîtresse a décidé d'accorder une audience à ces voyageurs et a décidé d'épargner leurs vies. Et elle m'a demandé de t'informer que tes petits jeux commencent à l'agacer".

Le Damné fit une moue de dépit digne des plus grands comédiens. Puis il se fendit d'une révérence bouffonesque et disgracieuse, sa tête frôlant le sol. Et depuis cette posture pour le moins ridicule, d'une voix d'où suintait le sarcasme, il répondit :

"Bien évidemment, Ô grande Enchaînée, les désirs de notre Maîtresse sont des ordres. Bien évidemment, Ô..."

L'Enchainée ne lui permit pas de finir sa diatribe. 

"Assez."

Ce "Assez" aurait été suffisant pour stopper une charge de cavalerie.
Le Damné grommela des paroles inintelligibles dans sa barbe tout en s'enfonçant dans le sous-bois. Le corps de Gracille, toujours flottant des les airs, suivit le même chemin que le Damné. Avant que je ne puisse m'exclamer, l'Enchainée prit la parole.

"Le Damné amène votre amie à la Grande Prêtresse par des voies qui ne vous sont pas ouvertes. Elle y sera en sécurité. Quant à vous, je vais vous aider à bander l'épaule de votre ami le Colosse puis nous nous mettrons en marche".

Et ainsi fût fait. Nous soignâmes du mieux que nous pouvions le pauvre Lyn puis nous nous mîmes à marcher à la suite de l'Enchainée. Nous suivîmes des chemins de terre, puis les chemins disparurent. Nous suivîmes alors des pistes, des traces laissées dans l'herbe par le passage d'un ou plusieurs animaux. Puis ces pistes disparurent. Nous marchâmes alors au milieu des arbres. Plus nous avancions, plus la forêt devenait dense, les arbres épais et vieux. Je levais la tête. On devinait plus qu'on ne voyait le ciel aux travers des ramures et pourtant il faisait clair sous la canopée. Je ne pouvais m'ôter le sentiment que nous étions bien plus vulnérables ici, marchant dans cette forêt, que dans un repaire de bandits une nuit sans lune. Je frissonnais.
C'était comme si les arbres que nous croisions étaient vivants. Qu'ils invoquaient sciemment la peur en nous. Que nous étions des indésirables et qu'ils nous le faisaient savoir. Tout mon être me criait de fuir. Nous, humains, petits êtres à peine nés et bientôt morts, n'avions rien à faire ici, sur cette terre sacrée et solennelle remplie de créatures mille fois centenaires. Je continuai de marcher, chaque pas en avant étant plus difficile que le précédent. Mais je ne m'arrêtais pas. Pour Gracille.
Après ce qui me paru des heures nous arrivâmes dans une clairière. Un cercle parfait dépourvu d'arbres. Un monolithe d'un vert profond, que l'on aurait dit fait de mousses et de lichen, se dressait exactement en son centre. J'en acquis la conviction dès le moment où mon regarde se posa dessus. L'Axe.
Nous étions arrivés au centre, au plus profond des Bois-Sans-Fonds. Je dus laisser échapper cette dernière réflexion à voix haute sans m'en rendre compte car l'Enchainée leva un doigt et me corrigea. 

"L'Axe se situe à l'extrême limite des Bois-Sans-Fond où un mortel peut s'aventurer sans sombrer dans la folie. Néanmoins, le nom de cette forêt ne dois rien au hasard. Tenez-le vous pour dit".

Elle avait l'air de s'amuser de sa propre répartie.
Je remarquais enfin le Damné assis en tailleur adossé à l'Axe, Gracille allongée à ses côtés. Il ne daigna même pas ouvrir une paupière.

"L'Enchainée, notre Tortionnaire veut avoir une discussion avec les jeunes gens que tu viens d'amener. Va les placer autour de l'Axe, veux-tu ?"

Je devinais sans mal que c'était la Grande Prêtresse que le Damné avait surnommé "la Tortionnaire". Le visage de l'Enchainée se tordit dans un rictus de haine non contenue. Elle détestait le Damné et ne supportait pas l'impertinence dont il faisait preuve envers la Grande Prêtresse. En me basant sur ce que je me rappelais des contes de mon enfance, tout ceci me sembla parfaitement cohérent. Mais si ces fables et légendes étaient véridiques du début à la fin... Nous étions dans de sales draps. Ces histoires pour enfant étaient en train de prendre un sens nouveau et terrible.
L'Enchainée nous fit asseoir autour de l'Axe. Et Elle apparu. Ou avait-Elle toujours été là ? La Grande Prêtresse. Elle se tenait devant moi. Mais aussi devant chacun de mes compagnons. Elle se trouvait aussi au chevet de Gracille.

Je percevais mon reflet dans le creux de ses pupilles. Je n'aimais pas ce que voyais. Elle prit la parole. Sa voix était douce, suave. Pour autant, il en émanait une sensation de danger. C'était comme écouter le sifflement d'un serpent. Hypnotique, probablement. Mortel, assurément.

"Votre compagne vivra...

Je poussais intérieurement un soupir de soulagement. Néanmoins, la phrase de la Grande Prêtresse était restée en suspens. J'appréhendai la suite.

"... Cependant, vous n'êtes pas sans savoir que tout se paye."

Je m'y étais préparé. Les mythes et légendes sont unanimes à ce sujet. Les Prêtresses se payent en Vérités dévoilées. La Grande Prêtresse s'apprêtait donc à sonder nos âmes pour en extraire nos Vérités. Vérités qu'elle nous dévoilera ensuite. Quasiment tous les contes mettant en scène l'une ou l'autre des Prêtresses se finissent avec un protagoniste devenu fou après avoir écouté ses Vérités.
Mais j'étais prêt. Mes Vérités m'étaient déjà connues. Et je ne craignais pas de voir divulgué le peu que j'avais encore caché en moi.

"Je vais donc vous dévoiler les Vérités de Gracille, première héritière du trône de Gharla."

Elle me pris au dépourvu. Quoi ? Comment ? Gracille ? Pourquoi ? Lyn, Minda, ou moi, nous étions préparé ! Nous connaissions le prix à payer ! Mais Gracille ? Elle n'a rien demandé !
La Grande Prêtresse rit à gorge déployée. Bon Dieux. Des gouttes de sueurs froides me coulèrent le long de l'échine. Je croisai les regards de mes compagnons. Minda semblait plongée dans la même incompréhension que moi. Mais Lyn... Il était pâle. Très pâle. Qu'est-ce que...

"Je ne vous ferais pas languir plus longtemps ! Première des Vérités ! Et elle est pour toi, mon bon Soldat !"

Elle me pointait du doigt. Je m'efforçai de masquer la peur que je ressentis alors. Peine perdue. Elle sourit de plus belle.

"Gracille ne t'aime pas, ne t'as jamais aimé et ne t'aimera jamais !"

Que... Quoi ?

"Elle se sert de toi ! Et il faut avouer que c'est pratique d'avoir le dernier représentant de la Sainte-Lignée à sa botte ! Cela donne une certaine légitimité devant ses pairs. Et puis c'est pratique pour justifier des génocides. Si le dernier prince de la Sainte-Lignée prend part aux combats devant la cité d'Holm, c'est que la cause doit être juste, non ? Et tout cela ne coûte à Gracille que quelques chastes baisers de temps à autres. La belle affaire !"

Elle rit.
Non. Non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non non.

"Et la Vérité ne s'arrête pas là ! Oh non, pas encore mon bon Soldat ! Tu veux savoir qui ta chère Gracille invite chaque soir dans son lit ?"

NON JE NE VEUX PAS LE SAVOIR ! NON NON NON !

"Lyn."

NON ! JE... Quoi ? Je tournai mon regard vers mon acolyte. Il évita de croiser mon regard. LE SALOPARD DE MES DEUX ! JE VAIS LUI FAIRE LA PEAU ! JE...
La Grande Prêtresse posa un doigt sur ma bouche. Je retombai comme une poupée de chiffon.

"Chhhhhh... Voilà qui est mieux. J'ai besoin que tu te contiennes encore un peu, le temps que je dévoile leurs Vérités à tes compagnons, tu peux faire ça ?"

Qu'est-ce que ?! Je ne pouvais plus desserrer mes lèvres ! Je tentai alors de me lever, pour aller coller la mandale qu'il méritait à Lyn. Sans succès. Je réessayai. Toujours rien. J'étais figé sur place et incapable d'émettre le moindre son. Mon corps ne me répondait plus ! Salope de Prêtresse. Je bouillonnai intérieurement mais je me raisonnai du mieux que je pus. Il aurait été suicidaire de se révolter contre la Grande Prêtresse. Je pouvais toujours attendre de sortir des Bois-Sans-Fonds avant d'éviscérer Lyn. Oui... Faisons comme ça. La rage qui m'habitait ne me quitta pas mais je la mis de côté. Plus tard, plus tard... Je la laisserai exploser.

"La deuxième des Vérités de Gracille, elle est pour toi, mon gros Colosse !"

Lyn n'en menait clairement pas large. Ce qui avait l'air de ravir la Grande Prêtresse. De manière générale, elle avait l'air ravie d'énoncer nos Vérités. Le Damné gloussait aussi dans son coin. Seule l'Enchaînée restait impassible.

"La tienne est on ne peut plus simple : Gracille a prévu de t'assassiner dans environ sept mois."

Quoi ? Comment ça ? Cette Vérité me prit autant au dépourvu que Lyn. Il afficha un air d'incompréhension. Il demanda à la Grande Prêtresse de s'expliquer.

"Voyons ! Mon Colosse ! Fais attention ou tu vas devenir une caricature de toi-même. Beaucoup de muscles saillants mais pas beaucoup de cervelle, hein ?"

Lyn laissa passer cette pique. Il en fallait plus pour le vexer à vrai dire. Au demeurant, bien que Lyn n'était pas forcément ce qu'on pourrait appeler un intellectuel, il n'était pas complètement idiot.

"Dis-moi, pourquoi as-tu cédé aux avances de Gracille ? Alors même que tu connaissais les sentiments de ton ami le Soldat à son égard. Hmm ? Dis-moi".

Lyn marmonna sa réponse à voix basse. J'étais trop éloigné de lui pour comprendre distinctement ce qu'il répondit. Le seul mot que je fus certain d'entendre était Keeman-nah-kal. Keeman-nah-kal... C'était un des titres de noblesse de Gracille. La lignée royale de Gharla l'avait acquis lors des guerres de... Oh bordel.

"Eh oui ! Et tu as parfaitement raison ! Si jamais la Keeman-nah-kal te donne un enfant, personne ne serait en droit de te refuser le torque ! Mais mon petit Colosse, ne t'es-tu jamais demandé pourquoi Gracille a voulu de toi dans sa couche ? Tu ne pense tout de même pas qu'elle ignorait les conséquences de ses actes ?"

Lyn resta interdit devant ces dernières paroles. Je soupirais intérieurement. Il restait un néophyte question politique. Et il semblait ignorer à quel point j'avais dû faire des pieds et des mains pour que sa présence à la cour du Roi, rappel douloureux d'un passé ignominieux, soit acceptée. Gracille, fille du Roi, avait toutes les raisons du monde de le détester. Keeman-nah-kal. Comment avais-je pu être aussi idiot ? J'aurais du le voir venir ! Lyn, de son côté, ne semblait toujours pas comprendre. Tout ceci me fit légèrement revoir mon ressentiment envers lui. Il restait un sale bâtard qui méritait qu'on lui refasse le portrait à coup de barbelés. Mais sa méchanceté relevait plus de la bêtise que réellement de la malveillance.

"Vu que tu ne sembles pas tellement disposé à comprendre ce que Gracille a prévu pour toi, laisse-moi te poser une autre question. Que se passerait-il si jamais, une fois le torque en ta possession, ton enfant et toi mourraient ?"

On voyait Lyn réfléchir. Il commença à formuler sa réponse alors même que son cerveau tournait encore à plein régime à la recherche de la conclusion. Il balbutiait, il tentait de rassembler ses idées. Puis il comprit. Je sus exactement à quel moment il réalisa l'étendue de sa bévue : il devint livide et se tut immédiatement. Et oui. Lyn et son enfant morts, le torque reviendrait à la mère de l'enfant qui dans le cas présent serait Gracille : la Keeman-nah-kal. Si un tel coup du sort devait arriver, les Jarljhuns seraient incapables de s'en relever. 

"Et bien elle est enceinte ! Bravo mon cher Colosse ! Il ne t'aura fallu que trois lunes pour l'engrosser !"

Lyn ne disait plus rien. En concevant un enfant avec Gracille, Lyn venait de réduire son peuple à l'esclavage et rendait l'ensemble des guerres d'indépendance menées par son peuple durant ces deux derniers siècles totalement futiles. Lyn regardait le sol, l'air hagard. La Grande Prêtresse semblait prendre son pied.

"Je te laisse avec une dernière question, mon bon Colosse. Que vas-tu faire maintenant que tu connais ta Vérité ?"

Je connaissais suffisamment Lyn pour connaître la réponse à cette question. Il tenterait de tuer Gracille dès qu'il en aurait l'occasion. Il me regarda, droit dans les yeux cette fois-ci. Je lui rendis son regard. Il faudra qu'il me passe sur le corps avant de toucher ne serait-ce qu'à un cheveux de Gracille. Je l'embrocherais avec joie, cet immonde pourceau. Et j'égorgerais son futur enfant de mes mains. Que les Jarljhuns redeviennent la sous-race soumise à la couronne qu'ils étaient. C'est tout ce qu'ils méritent pour avoir engendré un individu comme Lyn.
La Grande Prêtresse se détourna alors de Lyn. La Grande Prêtresse souriait à Minda. Minda souriait à la Grande Prêtresse. La Grande Prêtresse cessa de sourire. J'eu la ténue impression que la personne la plus effrayée des deux était la Prêtresse. Du moins, elle semblait bien moins impatiente de lui délivrer sa Vérité.

"Et la troisième et dernière des Vérités, elle est pour toi, chère mage. Mais je me demande si c'est bien la peine que je te l'énonce. Tu la connais déjà."

Décidemment. C'en était à oublier ma propre Vérité. Par quelle sorcellerie Minda pouvait-elle avoir un coup d'avance sur une Prêtresse ? La Grande Prêtresse qui plus est ! Le sourire de Minda s'élargit encore. Alors, d'une voix puissante et assurée, elle nous dévoila sa Vérité. La Grande Prêtresse fit clairement la moue. Qu'on lui vole la vedette de la sorte, voilà qui ne lui plaisait guère.

"La première chose que l'on apprend à l'Académie est que la magie n'est pas faite pour être utilisée. Avant d'apprendre à utiliser la magie, il est nécessaire d'apprendre à ne pas utiliser la magie."

J'acquiesçais. Des rumeurs courraient parmi les non-mages à propos de cette règle. Néanmoins, c'était bien la première fois que j'entendais un mage la confirmer. Et de mon point de vue, celui d'un non-mage, je trouvais cette règle primordiale. Un ou une mage de la trempe de Minda pouvait aisément et en quelques minutes réduire une ville en cendres. L'Histoire était d'ailleurs remplie d'exemples de mages devenus fous transformant des villes entières en enfer fumant. Il y avait aussi eu des régions rayées de la carte suite à des querelles entre mages  qui avaient mal tournées. S'en suivait quasi-systématiquement une purge sanglante de la part des habitants qui décimaient l'ensemble des mages vivants dans les alentours. Et oui : ils ont beau être très puissants, ils sont beaucoup moins nombreux que nous, ils saignent tout aussi bien, et seuls les Dieux et les Prêtresses connaissent des sorts de guérison. Que les mages apprennent à modérer l'usage de leurs pouvoirs me paraissait donc être la meilleure chose à faire pour que l'on parvienne à se côtoyer sans s'entretuer.

"Mais voilà. J'étais bloquée. Pour que la confrérie accepte de changer ses règles et fasse de moi une archimage, il ne me suffisait pas d'être aussi douée qu'un archimage. Je me devais d'être exceptionnellement meilleure que n'importe lequel d'entre eux. Mais comment pouvais-je faire démonstration de ma puissance sans utiliser ma magie ? La situation était parfaitement injuste ! Après moult tergiversations, je pris mon parti devant les portes d'Holm. Je me décidai à utiliser toute ma puissance sans restriction."

Je frissonnai. Je me rappelais très bien de Minda lors du siège d'Holm. Elle avait tiré une sacrée épine du pied du Roi. Cependant, la manière qu'elle avait eu de procéder était éminemment discutable. J'ai beau considérer avoir le cœur bien accroché, j'en avais rendu mes tripes.

"Dès notre retour dans la capitale, j'avais expliqué à Gracille tout mon dilemme et elle m'avait promis de parler en ma faveur au Conseil des archimages."

La Grande Prêtresse semblait avoir oublié que Minda lui avait piqué la vedette. Elle jubilait intérieurement, cela se voyait. Le pire de la Vérité était donc à venir...

"Cependant les archimages ont tenté de retourner la situation. Ils ont voulu convaincre Gracille que j'étais une menace pour la sécurité intérieure du royaume et qu'il fallait m'éliminer. Gracille avait quitté le Conseil sans donner son assentiment à mon exécution mais l'idée avait été plantée dans son esprit, elle ne pouvait maintenant que germer. Or, j'ai beau être extrêmement puissante, je ne peux pas faire face à onze archimages simultanément. Alors...
- ALORS TU AS TUÉ GRACILLE !

La Grande Prêtresse n'avait pas réussi à se taire. Elle avait crié. J'avais donc parfaitement entendu la phrase. J'en avais même compris le sens. Si nous nous étions enfoncé dans ces Bois-Sans-Fonds à la recherche d'un miracle qui pourrait guérir Gracille de son empoisonnement, c'était à cause de Minda... Minda qui nous a accompagné pour ne pas paraître suspecte et se ménager un prétexte pour quitter la capitale. J'aurais dû la haïr, je le sais. Mais mon esprit était surchargé d'informations. Les trois Vérités m'étaient dans un sens destinées. Je...
Je sentis le sort d'immobilisation et de silence de la Grande Prêtresse se relâcher. Mais je ne souhaitais ni bouger, ni parler. Je...

"Et voilà ! Votre amie est guérie et vous connaissez vos Vérités ! Vous n'avez donc plus rien à faire ici ! Allez, du balai ! Ouste !"

Tout devint noir.

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